Pourquoi au XXème siècle, les incidents sur la saisie-contrefaçon (saisie) étaient plutôt rares devant nos tribunaux, alors qu’au XXIème siècle, les textes français étant pourtant restés les mêmes, ils se sont multipliés jusque devant nos juridictions supérieures ?
Certes l’arrivée de nombreux professionnels dans la propriété intellectuelle (pi) peut expliquer certaines nouveautés parfois intéressantes mais aussi surprenantes voire même excessives.
Ne serait-ce pas plutôt la Directive de 2004 pourtant sur le respect des droits de (pi), qui a provoqué une telle surcharge dans la mission de nos magistrats ?
Pourtant la reprise de cette notion de « proportionnalité » (connue, bien après l’obligation depuis la Convention de Paris de 1883 d’un minimum de protection de la pi, mais sous d’autres expressions comme l’abus de droit, la fraude, l’intention de nuire, l’équité, la négligence ou encore le bon père de famille) fut en Europe consacrée déjà en 1950 dans la CEDH et en 2000 dans la Charte des Droits Fondamentaux de l’UE.
Cette proportionnalité semble bien être aujourd’hui encore l’outil ultime pour arbitrer entre des droits fondamentaux de nature et d’importance similaires : le droit d’auteur et la liberté d’expression par exemple.
Est-ce pour autant le cas entre la pi et son droit à la preuve entre les mains de la victime d’une atteinte à son titre d’une part, et d’autre part le secret des affaires et les informations confidentielles ou même seulement personnelles qui ne sont d’ailleurs pas tous intégrés dans notre Code de la Propriété Intellectuelle (Cpi) ?
Et tout comme cette Directive de 2004, les Adpic qui depuis 1994 sont d’application directe devant nos juges, imposent des mesures « efficaces et dissuasives » pour lutter contre les contrefaçons.
Pour autant, aucun de ces textes n’oblige les États à aligner leur pi à un seul et même niveau que celui de leurs voisins. Car il est constant que nos textes internationaux permettent à chaque pays de prendre dans son droit positif des mesures plus favorables à tous les titulaires sur son territoire (ce qui éviterait d’en défavoriser certains en France). Car s’ils imposent un minimum de protection, ils n’imposent nullement ni une limite ni un maximum de protection à ne pas dépasser.
L’explication pourrait aussi provenir de ce que pour « ne pas faire de jaloux », ces textes sont les mêmes pour tous nos titres de pi (enregistrés ou non), alors que certains touchent plus à la personnalité ou à la culture de chacun et d’autres à la technique ainsi qu’à l’utile, et que de manière transversale les contrefaçons sont de plusieurs types :
- la piraterie qui se contente de copier servilement pour faire passer le faux pour le vrai ; elle mérite certainement des sanctions rapides, et même punitives par le juge pénal d’une part,
- et d’autre part, les atteintes légales qui sont sanctionnées même lorsque leurs responsables sont de bonne foi ; elles méritent certainement une appréciation attentive et sophistiquée.
Cette notion de proportionnalité doit-elle être appréciée au niveau du législateur ou du juge ?
Les législateurs n’estiment-ils pas tous remplir leurs devoirs en instituant des règles en elles-mêmes équitables et justes ?
Le juge doit, ce qui lui est naturel, motiver sa décision et ainsi articuler ce en quoi la proportionnalité manquerait à la mesure légale sollicitée.
Si la proportionnalité doit s’apprécier a priori, doit-elle l’être également a posteriori dans la mise en œuvre de la mesure autorisée jusqu’à remette en cause le principe même de cette autorisation ?
Le refus disproportionné de la saisie-contrefaçon ?
Depuis plus d’un siècle, la France permet à la victime d’une contrefaçon d’exiger de son juge de pouvoir la saisir en tout lieu.
Et c’est toujours à des fins essentiellement probatoires que la saisie existe pour permettre à la victime d’une atteinte à son titre de pi d’exercer son droit à la preuve.
N’est-ce pas, en raison du système civil dit accusatoire de certains pays latins comme la France, une mesure plus favorable au titulaire qui devrait échapper à cette faculté seulement envisagée notamment à l’art. 7 de cette Directive 2004, que d’obliger la victime à fournir à son juge, des indices de la contrefaçon pour le convaincre d’autoriser ou au contraire de refuser cette saisie ?
Ne s’agit-il pas, dans l’exercice de son droit à la preuve, d’une simple collecte d’éléments que cette victime doit remettre sur le bureau de son juge, à défaut de quoi elle sera déboutée, et en définitive privée d’accès à la justice française ?
L’essentiel de cette collecte est triple :
- l’objet copiant ou imitant (autrement dit l’échantillon à prélever en liaison avec sa description),
- l’acte interdit,
- et enfin son responsable (qui devrait en être le principal comme le fabricant ou l’importateur).
Un acte illicite ne pouvant jamais être caché à un juge.
- Ces trois éléments de la contrefaçon devraient toujours pouvoir être accessibles au titulaire pour lui permettre d’articuler ses demandes dans son assignation qui doit être exhaustive et s’appuyer sur les preuves à remettre sur le bureau du juge.
- Tandis que les autres éléments qui ne sont pas nécessaires à l’introduction de son procès, comme par exemple les quantités, les prix (de vente et d’achat), l’identité des clients des objets allégués de contrefaçon … pourraient être refusés sauf à les conserver confidentiels sous plis scellés, tant que ce juge n’en aura pas contradictoirement décidé autrement, par exemple après qu’il aura eu statué sur le principe même de la contrefaçon
N’oublions pas que le juge de la saisie peut parmi les modalités de la saisie requise, en limiter sa portée à la seule description de l’objet prétendument contrefaisant avec le prélèvement d’un seul échantillon, ainsi qu’à la seule collecte des informations strictement nécessaires quant à l’identification des actes interdits et de leurs responsables.
Et le juge de la saisie même ainsi limitée, « peut [même d’office en] subordonner l’exécution … à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle » de celui qui l’aura subie, si la contrefaçon n’est pas reconnue.
C’est dire qu’une saisie tout en étant valable, engage néanmoins la responsabilité de celui qui l’a exigée, en l’obligeant ainsi à réparer les dommages qu’il aura en définitive causés (voir également ci-après).
Autrement dit, la proportionnalité que la Directive 2004 nous imposerait pour apprécier une saisie, ne doit-elle pas être appréciée en fonction non seulement de notre propre système judiciaire dans le cadre général de l’ensemble de notre droit positif et notamment celui de l’administration de la preuve, mais aussi en comparaison avec les systèmes existants dans les autres pays visés par de tels textes ?
Dans ces conditions et selon notre système civil accusatoire, la saisie de plein droit aux risques et périls du titulaire n’est-elle pas par nature proportionnée, notamment au regard de notre Europe, puisqu’en France par exemple cette victime :
- ne bénéficie pas des procédures dites de « discovery » ou de « disclosure » connues notamment en Angleterre, ni de la règle allemande selon laquelle chaque partie a l’obligation de ne pas contester le fait allégué lorsqu’elle le sait véridique,
- se verrait déboutée par le juge français, le défendeur n’ayant même pas à contester le fait allégué, mais à soulever seulement une insuffisance de la preuve sur les épaules de la victime.
En effet en défense, le contrefacteur n’est pas obligé en France de reconnaître ni d’avouer la véracité du fait allégué par la demanderesse, même s’il le connait.
Par conséquent, serait-ce proportionné que de refuser la saisie à un breveté en France au motif qu’en l’absence d’indice de la contrefaçon, le juge de la saisie n’est pas convaincu de son existence ?
N’est-ce pas estimer a priori que les déclarations du requérant ne sont pas sincères ni loyales, face à un concurrent qui au surplus serait un contrefacteur ?
N’est-ce pas surtout une discrimination faite en France à un titulaire de pi, alors que dans d’autres pays européens, il pourra commencer son procès sur la seule conviction de ses informations ?
Car un breveté sera dans l’impossibilité de pouvoir apporter au juge français ne serait- ce qu’un indice de la mise en œuvre de son procédé dans l’usine de son concurrent déloyal ; il ne pourrait donc jamais faire respecter ses droits en France …
De même le titulaire se verra obligé d’intervenir sur le marché français auprès de détaillants pour pouvoir apporter à son juge un indice convaincant de l’origine de leurs produits contrefaisants, alors que ses propres réseaux commerciaux lui ont pourtant fait connaître l’identité de la source principale de telles contrefaçons, à l’encontre de laquelle seule il sera plus efficace, opportun et économique d’intervenir.
Il convient ici aussi de se rappeler les travaux préparatoires du Parlement de notre Union Européenne (UE) dans les années 2000 pour élaborer cette Directive en 2004.
Car à l’époque ses députés cherchaient moins une solution harmonisée unique pour faire respecter les droits de pi dans tous les pays de l’UE, qu’à compiler les avantages que certains Etats pouvaient connaître, et ce pour en faire profiter les autres.
C’est à ce titre qu’il convenait de proposer par exemple le rappel des contrefaçons hors des Pays-Bas, les bénéfices imputables à la contrefaçon hors d’Allemagne, le droit à l’information hors de Grande-Bretagne, la saisie hors de France …
Ce à quoi notamment les Britanniques et les Allemands avaient alors répondu qu’ils n’avaient nul besoin de cette saisie à la française :
- sauf précisément à leurs juges de pouvoir la refuser dans leur pays,
- car, on l’a vu ci-dessus, la « discovery » ou la « disclosure » anglaise leur permettra en cours de procédure de tout connaître,
- et que devant le juge allemand les parties ont l’obligation d’exposer les faits sans mentir,
- ce qui dans la plupart des cas rend en effet inutile et inopportun un tel « raid » pour le moins intrusif chez un concurrent même indélicat.
C’est pourquoi le législateur français n’a jamais voulu transposer dans notre Cpi, cette faculté pour le juge de refuser la saisie en l’absence d’indice de la contrefaçon, disposition moins favorable que celle de nos articles L 332.1, 521.4, 615.5 et 716.4.7 CPI actuellement entre les mains de la victime d’une contrefaçon dans notre pays.
1°) Mais cette voie exorbitante qui pourrait sans doute se comparer avec les mesures d’instruction prévues sur requête à l’art. 145 CPC, exige de la part de son requérant une loyauté et une transparence certaines dans son exposé pour permettre au juge de la saisie d’en contrôler toutes les modalités.
Aussi il ne semble pas possible d’imposer au requérant qui exerce son droit à la preuve, un exposé de la totalité des faits notamment ceux qui ne seraient pas susceptibles de modifier l’appréciation du juge même s’ils seront contestés par le saisi, mais bien tous les faits susceptibles de montrer que son action en contrefaçon n’est pas vouée à l’échec à l’issue d’une telle saisie.
Ainsi, c’est bien au juge de la saisie qu’il appartient d’apprécier si des instances ou des décisions parallèles peuvent influer d’une manière ou d’une autre son autorisation ; la lecture de certaines requêtes montre à l’évidence que le titulaire cherche moins à collecter une preuve de la contrefaçon qu’à découvrir des informations secrètes, confidentielles ou même seulement personnelles d’un concurrent qui au surplus ne seraient pas relatives à l’atteinte de son titre.
Le refus de la saisie par son juge reste bien sûr nécessaire, non seulement lorsque la titularité du requérant lui paraît incertaine (alors que de leur côté les offices de pi en général présument sincères et loyales les déclarations du déposant pourtant propriétaire seulement apparent), mais aussi lorsque les circonstances exposées par le requérant lui apparaissent contradictoires ou suspectes selon une motivation spécifique à l’espèce, susceptible d’être contrôlée par les juridictions supérieures.
Le simple bon sens exige que ce qui est relatif à la contrefaçon ne peut jamais être caché à un juge. C’est bien ce que confirment les systèmes judiciaires notamment allemand et anglais.
Certes, la saisie sollicitée ne saurait porter sur des investigations générales, mais bien sûr être circonscrite dans le temps et dans son objet, à la recherche d’éléments strictement en rapport avec l’action envisagée.
Par conséquent ne doit pas être autorisé ni saisi tout ce qui n’est pas relatif à la contrefaçon, mais que doit être saisi tout ce qui y est relatif, même si certains éléments sont secrets, confidentiels ou même seulement personnels.
Car dans ce dernier cas, le saisi pourra encore invoquer son juste motif pour placer de tels éléments dans une enveloppe scellée qu’un expert désigné par le juge ou par les parties pourra sélectionner par exemple dans le cadre d’un cercle de confidentialité que nous connaissions déjà au XXème siècle.
Puis dans cette sélection des éléments saisis toujours placés sous enveloppe scellée, il peut encore être mis de côté ce qui ne présentera un véritable intérêt, que lorsque le principe de la contrefaçon aura été décidé par le juge. Il en est ainsi par exemple des quantités, de l’identité des clients, des marges brutes et nettes du saisi.
2°) Avec la mondialisation, nous savons que les contrefaçons sont rarement nationales, mais bien transfrontalières.
3°) A ce titre, dans le cadre d’une coopération judiciaire au moins au sein de l’UE, il paraît indispensable de pouvoir effectivement apporter à un juge étranger les preuves collectées en France, et inversement de l’étranger à un juge français.
Bien sûr que cette collecte à l’étranger doit avoir été régulièrement décidée et exécutée selon ses lois locales de procédure.
Est-il enfin nécessaire de rappeler que ces preuves ne peuvent servir qu’à la défense des droits de pi du saisissant tant au sein de l’UE que dans le monde, et qu’a priori il ne saurait être question qu’elles puissent être révélées à un journaliste ou à un autre concurrent !
4°) Même le juge étasunien autorise que des éléments d’une « discovery» ou de son « protective order »puissent être utilisés devant le juge étranger notamment français.
De même qu’il peut autoriser un étranger à déclencher une discovery à l’encontre d’une entreprise basée aux USA.
La nullité de la saisie-contrefaçon disproportionnée ?
La saisie et ses modalités ayant été autorisées parce que son juge les aura estimées proportionnées, doivent-elles présenter cette même qualité dans leur mise en œuvre ?
- La réponse semble affirmative.
Car ce qui est excessif dépasse la mesure. Il paraît donc naturel de retrouver ici ce que la jurisprudence retenait déjà pour sanctionner à sa manière des saisies qui apparaissaient avoir été menées de manière frauduleuse ou abusive, avec une intention de nuire ou même encore avec une négligence qu’un bon père de famille n’aurait pas commise.
- De plus, parce qu’elle peut en surprendre certains, la saisie doit se dérouler de manière contradictoire et équitable.
A fortiori, les pouvoirs dévolus à l’huissier (devenu aujourd’hui « commissaire de justice ») sont strictement délimités par son autorisation, dont les termes doivent en effet être strictement compris, et selon certains à l’aune de cette proportionnalité.
Pour autant dans ce strict cadre, la mise en œuvre ou la conduite d’une des opérations autorisées pourrait-elle néanmoins apparaître a posteriori disproportionnée ? Devrait-elle alors entraîner la nullité de la saisie dans sa totalité ?
Il suffirait de sanctionner une telle conduite excessive en engageant la responsabilité de celui qui a voulu la mener ainsi, et notamment par sa condamnation à réparer intégralement tous les dommages subis.
Prenons l’exemple d’une saisie autorisée « pendant les heures d’ouverture des locaux [du saisi], et même après, si besoin est ».
- S’il apparaît légitime qu’une rétractation d’un tel horaire soit refusée au saisi, il est tout aussi clair que le saisissant se doit d’en justifier le besoin, s’il estime nécessaire de poursuivre sa collecte après la fermeture de ces locaux.
Car si les objets qu’il incrimine de contrefaçon, sont « de plusieurs tonnes », c’est qu’à défaut de preuve contraire, ils ne doivent pas pouvoir disparaître facilement dans les heures suivantes, surtout s’ils sont placés sous mains de justice par ce commissaire.
Il arrive en effet que les opérations de saisie soient ainsi suspendues pour être reprises le lendemain même de bonne heure, et les dernières informations adressées par le saisi conformément aux exigences de cet officier public et ministériel.
A ce titre, peuvent bien apparaître non autorisées des opérations qui se terminent par la lecture du procès-verbal (PV) de saisie à 2 heures 15’ du matin, plus de huit heures après la fermeture des locaux du saisi, alors que le besoin ou la nécessité de poursuivre la saisie n’en a pas été articulé au moment de leur fermeture, ni justifié devant un magistrat.
- Au vu de telles circonstances, on pourrait néanmoins se demander en quoi ces opérations constitueraient des « investigations exceptionnellement contraignantes » et par conséquent « disproportionnées » à la défaveur du seul saisi.
Car ces contraintes d’une telle tardivité (plus de cinq heures après la durée légale du travail), dont sur place le saisi n’avait pas semblé se plaindre pour en demander la suspension, s’imposaient de la même manière à toutes les parties prenantes, à la partie saisie tout comme aux assistants et à ce commissaire qui se devait d’exécuter la décision d’un juge civil et lui apporter les preuves d’une contrefaçon alléguée, que ce dernier devra lui-même apprécier, quand bien même toujours selon notre système civil qui n’est pas inquisitoire, il n’a pas la charge de reconstituer la vérité.
Parmi les droits fondamentaux arbitrés par cette proportionnalité, la protection de la pi et le droit à la preuve pour la victime d’une atteinte à son titre ne semblent pas devoir a priori être cantonnés au confort de l’horaire de droit commun des jours ouvrables.
C’est pourquoi il peut paraître surprenant qu’un même juge puisse annuler totalement une telle saisie et en débouter le titulaire pour insuffisance de preuve de la contrefaçon d’une revendication de son brevet, alors qu’en même temps il condamne le saisi pour contrefaçon de deux autres revendications du même brevet.
- Est-il proportionné d’exiger du saisissant qu’il laisse au saisi un week-end pour compléter ses réponses au commissaire ?
Il paraît aussi disproportionné comme étant contraire à l’équité et au caractère contradictoire de la saisie, que la rédaction du PV puisse être suspendue pour être reprise dans le dos du saisi ou en dehors de ses locaux, et que sa copie ne lui en soit remise que plus tard.
Car, sauf bien sûr s’il y renonce expressément, le saisi a bien le droit de suivre ou d’entendre les constatations rédigées par ce commissaire assisté de plusieurs aides, ne serait-ce que pour y relever de possibles imprécisions et y ajouter son dernier mot en défense ; à défaut la saisie serait susceptible d’être affectée d’un vice de fond entraînant sa nullité sans texte ni grief.
- Au surplus rien ne montre en quoi cette disproportion aurait pu avoir faussé la collecte des éléments à la portée de la victime dans l’exercice de son droit à la preuve, alors que la vérité ne doit pas être cachée au juge de la contrefaçon.
Enfin, s’il faut l’appliquer à la saisie, cette « disproportion » ne devrait pas être sanctionnée automatiquement par la nullité de toutes ses opérations.
C’est pourquoi déjà au XXème siècle, de manière pragmatique et équilibrée, nos magistrats comme Alain Girardet ne prononçaient pour les seules parties contestées ou irrégulières, qu’une nullité partielle de la saisie ou de son PV.
Et même valable ou validée, la saisie peut toujours a posteriori être sanctionnée si elle a été menée ou conduite par exemple de manière excessive ou avec négligence, ce qui engage bien sûr la responsabilité de celui qui l’avait requise, quand bien même ce dernier se verrait reconnu victime d’une contrefaçon (le tout – on l’a vu ci-dessus – avec les garanties que le saisissant aura constituées à la demande du juge).
C’est pourquoi, si un pourvoi est formé à l’encontre de ce nouvel arrêt que la Cour de Paris a rendu le 29 juin 2022 dans l’affaire Bamford / Manitou (RG 21 / 06 171), on lira avec beaucoup d’intérêt la décision que la Cour de cassation devrait rendre :
- tant sur l’application de la proportionnalité aux opérations de saisie, face d’un côté au droit de la pi opposable à tous avec son droit à la preuve entre les mains de la victime d’une atteinte à l’un de ses titres, et de l’autre côté face à des droits d’ordre personnel tels que le secret des affaires ou à leurs informations confidentielles ou seulement inaccessibles aux tiers,
- que sur la motivation qui y a été articulée pour retenir l’absence de proportionnalité et annuler ainsi toutes les opérations de la saisie, même celles menées avant la fermeture des locaux du saisi.
Thierry Mollet-Viéville
Avocat à la Cour
Ancien Président de l’AFPPI et de l’AIPPI