ActualitésJuridiqueRèglementationProposition de loi relative à la protection des recettes culinaires – Charles de HAAS

11 juin 2019

 

La proposition de loi relative à la protection des recettes et créations culinaires enregistrée à l’Assemblée Nationale le 30 avril 2019 (N° 1890) ne manquera pas de surprendre tous ceux qui s’intéressent à la propriété intellectuelle, car ils savent bien que l’arrêt du 13 novembre 2018 rendu par la Cour de justice, a fermé la voie du droit d’auteur aux saveurs culinaires (CJUE, 13 nov. 2018, aff. C 310/17).

Mais ce n’est pas le droit d’auteur qui est mobilisé par la proposition de loi puisqu’elle vise à instituer un titre de propriété sui generis (que l’on peut qualifier d’intellectuelle malgré son étrange insertion dans le code du patrimoine), le « certificat de création culinaire » délivré par le directeur de l’Institut National de la Création Culinaire Certifiée, un établissement public administratif ad hoc et simultanément créé.

Ce titre d’une durée de 20 ans, serait délivré à son créateur ou ayant droit ou encore à l’employeur du créateur salarié pour couvrir une création culinaire (et non une simple denrée alimentaire) qui doit d’abord être « nouvelle », c’est-à-dire non comprise dans l’état de l’art antérieur culinaire, ce dernier étant constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de certificat de création culinaire par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.

Deux autres conditions doivent être réunies. La création culinaire doit d’abord impliquer une « activité créatrice », définie par ce texte comme une non-évidence pour l’homme du métier, ce qui correspond exactement à la définition légale de l’activité inventive en droit des brevets pour rendre bien trompeuse cette dénomination d’ « activité créatrice ». La création culinaire doit enfin présenter un « caractère gustatif propre » pour donner une impression d’ensemble de « non déjà gouté » en renvoyant cette fois à la condition de caractère propre ou individuel du droit des dessins et modèles.

On doute fort que ce curieux mélange du droit des brevets et des dessins et modèles soit de bon goût et si, comme souvent, le renvoi de cette proposition en commission devait sonner son glas, on ne la regrettera guère.

 

Charles de Haas

Avocat à la Cour

 

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteurs et ne sauraient réfléter la position de l’Institut.